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Est-ce une bonne idée d’en parler ?

A/ à son enfant qui vient d’être détecté

Certains professionnels, d’un autre temps pas si lointain, pensent qu’il vaut mieux éviter d’annoncer à un enfant tout juste détecté qu’il est surdoué. La peur du fameux étiquetage qui serait castrateur pour son développement futur. Et puis le risque que ça le perturbe plus qu’autre chose. Et aussi l’effet miroir déroutant : saurez vous répondre à ses questions ? Toutes ces rengaines ont vite fait de dissuader les parents novices du haut potentiel. Ne pas en parler, après tout peut-être passera-t-il au travers. Politique de l’autruche pour les uns, « pas de nouvelle bonne nouvelle » pour les autres.

Au sein des groupes de paroles auxquels j’ai participé au titre de patient, les témoignages rapportés sont divers et variés. Des parents qui consultent des experts pour comprendre après coup le suicide de leur enfant. Des anciens enfants tenus dans l’ignorance et qui se sont crus fous ou débiles toute leur vie, avec un sentiment de gâchis monumental. Attendre que les problèmes arrivent pour en parler, je peux vous dire que certains ont essayé, et ils ont eu des problèmes.

Bon après c’est vous qui voyez ! Vous êtes adultes, et vous seuls serez responsables des choix que vous ferez. Ce ne sera pas moi, ni votre psy attitré ou celle qui a écrit des bouquins, ni votre meilleur ami ou collègue de travail qui sait tout.

Je milite avec d’autres pour la stratégie de la prévention. Donc, d’en parler. Mais aussi d’aider et préparer les gens à en parler efficacement.

Révéler un « drame » (ça l’est pour de nombreux ados en pleine construction qui aspirent à être comme tout le monde de peur d’être exclu), ce n’est pas si compliqué que ça. Un éléphant dans un magasin de porcelaine sait le faire.

Le plus complexe c’est de répondre aux questions que votre enfant se posera. Car il faudra y répondre, avant que son imagination ne le fasse à votre place. Et bien sûr, il se les posera également si vous décidez de ne pas lui révéler sa douance. Quelques exemples :

– En l’absence de réponse à la question « qu’est qui fait que je ne suis pas comme tout le monde ? », certains enfants en viennent à la conclusion qu’ils sont des extraterrestres.

– En l’absence de réponse à la question « pourquoi les autres ne m’acceptent pas comme un des leurs », d’autres enfants en viennent à la conclusion qu’ils sont insignifiants et qu’ils ne méritent pas d’être heureux.

– En l’absence de réponse à la question « pourquoi a-t-on peur de moi? », d’autres encore, ou les mêmes aussi parfois en viennent à la conclusion qu’ils sont des monstres.

– « On me félicitait constamment pour mon travail bien fait, puis sur quelques mois de temps, mes résultats scolaires chutent alors que je fais pareil que d’habitude ; Suis-je devenu « normal ? ; Suis-je punis par mon karma pour avoir mal agit ? Suis-je devenu mauvais ? ».

– Dans un autre style, « pourquoi les gens ne me comprennent pas / ou rigolent de moi ? », mais parce que ce sont des cons insignifiants pardi ! Il ne me méritent pas.

– Ou encore, « Pourquoi vous me demandez vous de suivre la même chemin de vie que vous, alors que ça vous rend malheureux ; Me voulez-vous du mal ; Ou alors êtes vous des gens stupides, j’ai été adopté et on a rien en commun du point de vue génétique ? »

– Il y aussi des questions plus légères que je vous épargnerai, comme les superpouvoirs, l’absence de nécessité de continuer à aller à l’école, ou l’envie d’être dictateur du monde libre.

En parler oui, mais pas d’urgence non plus. L’enfance et l’adolescence, ça dure plusieurs années. Vous avez le temps de voir venir, d’y aller par étape, et surtout de vous préparer. Répondez à ses questions, mais uniquement à ses questions. Evitez de lui soumettre des questions que son niveau de maturité ne se pose pas encore. Au besoin, si vous ne comprenez pas son problème du moment demandez lui quelle(s) question(s) il se pose ? Qu’est-ce-qui le préoccupe ? Le tout dans un climat de confiance, au calme (=sans hurler) et en s’abstenant de pouffer de rire si la préoccupation vous surprend.

Formez-vous à la psychologie des surdoués, afin de faire des choix d’éducation en connaissance de cause.

Faites aussi un peu de thérapie pour vous-même, si vous venez d’être traumatisé à l’instant par les questions d’enfants que je viens de mentionner ou du moins n’êtes pas au clair avec votre propre douance.

Les difficultés ne sont pas si insurmontables que ça quand on est bien préparé et que l’on connait le pourquoi du comment, les implications des diverses options, etc, etc.

Il n’y a pas de situation idéale. Chaque option à ses avantages et ses contraintes à gérer. Les problèmes surviennent généralement sur les choix que l’on assume pas. Par exemple faire tester son enfant parce qu’on souçonne que ça pourrait être la source de ses difficultés ; puis quand on reçoit la confirmation par un expert, on revient en arrière en décidant de ne pas en parler et de ne pas utiliser toutes les connaissances et solutions acquises par d’autres sur le sujet.

 

B/ à un proche famille, amis, collègue qui s’ignore être surdoué

Quand cette idée vous vient à l’esprit, vous êtes généralement dans la phase euphorique des novices. Ceux qui viennent de se découvrir surdoués, ont eu la révélation de leur vie.

Après probablement toute une vie d’errance et d’isolement, vous vous sentez « enfin » appartenir à un groupe ou tout le monde pense pareil (en théorie et selon vous). Vous voulez partager votre bonheur autour de vous et en faire profiter vos amis, ainsi que vos compagnons d’infortune auxquels vous vous identifiez encore récemment. Armé de votre fraicheur candide, vous vous préparez à révolutionner leur vie. Mais voila d’autres avant vous ont essayé, et ils ont eu des problèmes.

Annoncer à un adulte « qui n’a rien demandé et ne cherche pas d’aide » qu’il est surdoué, c’est plus complexe encore qu’à un enfant. Divers facteurs interviennent, comme le caractère plus affirmé, moins docile qu’un enfant, ou l’histoire plus longue de la personne, de sa variété d’expérience de la vie, pas forcément la même que pour vous.

En l’absence de réponse à leurs nombreuses questions ou de retour fiable et régulier sur leur comportement, trop d’adultes non détectés ont laissé leur imagination altérer leur perception de la réalité. Quelques exemples :

– Certains adultes continuent de vivre au pays surprotégé et aseptisé de Disney… et sont traumatisés par le moindre nuage dans leur beau décors.

– D’autres sont passés du côté obscure de la force et torturent leur proches pour se sentir aimer et exister.

– D’autres ont tout simplement renié leur identité, font semblant d’être comme tout le monde et considèrent ceux qui ne font pas les mêmes efforts qu’eux comme des nuisibles qui méritent leur détresse.

– D’autres ont tant galéré que ce serait injuste que la génération suivante y échappe.

– D’autres se sont professionnalisés dans la maladie, ils ont eu bien du mal pour obtenir des certificats et ne se sentent pas prêt de tout recommencer pour une autre étiquette.

– Les plus nombreux ont trouvé tant bien que mal un semblant d’équilibre dans leur vie, et ne veulent pas le remettre en jeu au risque, si ils le perdent, de ne pas savoir en reconstruire un autre. Il y a comme une peur du saut dans l’inconnu. Si bien que cela devient préférable de rester volontairement dans une situation parfois merdique, mais à laquelle on s’est habituée, on en connaît les rouages et on sait gérer, voir on y trouve un certain charme. Alors que être heureux et accomplir ses rêves, il paraît que c’est pas toujours la joie.

– etc, etc ; on peut en répertorier des dizaines de profils dont des bien plus positifs, mais vous n’avez pas besoin de moi pour les imaginer. Par exemple, il y a « les vrais surdoués qui vont bien » : eux ils n’ont pas essayé la thérapie, comme ça ils sont sûr de ne pas avoir de problème ; si rien n’est testé, rien de pathologique ne peut être détecté CQFD.

A un moment ou à un autre de leur vie, les divers profils de surdoués ont tous eu leur pensées occupées plus ou moins par les mêmes questions sans réponse. En revanche leur imagination, leur cadre de vie, leur motivation les ont emmené dans diverses directions.

Le drame pour de nombreux novices de la douance, c’est que le monde des surdoués est d’une grande diversité. Celle-ci est même encore plus grande que la diversité chez les normo-pensants (=personne dans la norme, ou non-surdouée). Quand vous abordez un proche, gardez toujours à l’esprit que ce qui a fonctionné pour vous, ne va pas nécessairement fonctionner pour « tous » les autres.

Le mieux pour affronter avec succès, cet exercice de l’annonce de votre ou de sa douance à un tiers adulte, c’est d’utiliser cette fameuse empathie. Commencez par vous informer sur son histoire en lui posant des questions innocentes, puis écoutez sa réponse. Il vous donnera tous les renseignements pour savoir comment agir avec lui, ou au contraire, il vous dissuadera de faire quoique ce soit. La plupart des gens ont juste envie d’attention, d’être écouté et entendu, pas qu’on leur apporte la bonne parole.

Peu d’adultes ressentent le besoin et/ou ont envie d’être « recadré » en profondeur par l’annonce d’une douance avec tout le travail thérapeutique de calibrage qui s’en suivra. Pour certains, c’est le bon moment, ils sont prêts, d’autres pas, ou pas tout de suite.

Seule une minorité de futurs bergers en herbe fait le choix de s’informer vraiment. Ce n’est pas un drame en soi, et puis rien n’empêche les bergers de se faires des délires entre eux de temps à autre.

Alexis, Juillet 2018

Voir et reconnaître l’autre n1

Parfois, on se sait pas vraiment pourquoi sur le moment, mais lorsqu’on rencontre une nouvelle personne, on se dit « Tiens il/elle est comme moi ! ».

Pareil, dans la rue on croise des gens au hasard, et on se dit intérieurement « Elle est belle », « Il est con », « Je l’aime pas », « Il est gay », « L’intello de service celle-là », « Ténébreux celui-là ? » Pas besoin de leur faire passer un bilan psychologique complet. On sait à qui on a affaire au premier coup d’oeil, pourvu qu’on ait un minimum d’expérience sociale dans la vie.

Pour les surdoués, « il » paraîtrait que c’est différent. Impossible de l’affirmer si on n’a pas fait passer au suspect une batterie de tests encadrés par un professionnel (ou équipe pluridisciplinaire, soyons à la mode) dûment diplômé par l’académie de l’intelligence sérieuse et auto-assermenté par un réseau de gens qui prennent possession d’un marché dont ils s’estiment seuls légitimes à s’occuper. Les gentils clients étant ce qu’ils sont, ils revendiquent et se soumettent fièrement à cette petite manipulation qui a notamment l’intérêt de les aider à entretenir l’illusion d’un monde parfait où tout le monde est honnête comme ils pensent l’être eux-même ».

Il faut reconnaître cependant, que s’installer comme professionnel, n’est pas si simple que ça, et que malheureusement, il est difficile de se démarquer des pratiques courantes sans s’auto-saboter. Les professionnels se débattent comme ils peuvent avec les traditions et les corporatismes pré-existants qui se renouvellent de génération en génération alors que bon nombre se demandent d’où ça vient, et pourquoi on les garde si c’est pas bien. Un phénomène de psychogénéalogie collective est à étudier sur la question.

Quoiqu’il en soit, même si le professionnel, se plie à la petite comédie des tests officiels pour être en règle avec la paperasse, il sait néanmoins dès le début de l’entretien à qui il a affaire quand il reçoit un nouveau client/patient (si c’est pas le cas, fuyez !).

… Et les patients, eux-même, ont la capacité de se reconnaître entre eux. Pourvu qu’ils soient lucides sur le moment ; la prise de substances (ça déforme les perceptions) ou le conditionnement psycho-éducatif (ça biaise les interprétations des perceptions) étant bien entendu des obstacles souvent redoutables, quoique.

Disons que dans un contexte où on cherche à comprendre et maîtriser notre raisonnement de A à Z, afin de le coucher sur papier pour pondre une attestation par exemple, c’est vrai que c’est utile d’avoir quelque connaissance théoriques, c’est à dire de savoir ce que l’on cherche et quels critères sont réellement efficaces.

Puis, il y a l’empathie. Un phénomène psycho-intellectuel dont la science connaît encore assez mal les rouages, mais qui laisse régulièrement ici ou là des traces de son existence. C’est, plus qu’une simple intuition, une forme de perception inconsciente qui nous donne des informations sur l’autre, et notamment son état émotionnel.

L’intérêt dans une situation thérapeutique, est que l’empathie agit comme un système de sécurité indépendant de notre volonté. En dehors de traumatismes ponctuels, les personnes en souffrance ont souvent été conditionnées toute leur vie par une éducation collective inadaptée, ou encore avoir été manipulées dans le but de les maintenir en échec, au point que la plupart de leurs raisonnements ne se construisent plus que sur des préjugés tous les plus faux les uns que les autres. Malgré ça, leur capacité d’empathie continuera de leur donner les informations fiables, les seules en vérités, tels des grains de sables dans les magnifiques rouages de la vision artificielle de la réalité qu’elles se sont construites au fil des ans. L’empathie, sera ici la petite voix intérieure qui leur dira « cela ne correspond pas à ce qu’on t’as appris ou à tes valeurs, mais va y quand même », ou inversement « cette personne de bonne réputation te veux du mal, ne la suis pas », etc.

Il ne faut pas nécessairement chercher à comprendre les informations obtenues par empathie. Invariablement, on a la mauvaise habitude de chercher à les faire rentrer dans le moule de ce que l’on sait déjà et qu’on souhaite intérieurement entretenir. L’empathie, il faut simplement la vivre, l’accepter et la suivre inconditionnellement.

Mon conseil du jour : « Si votre tête n’y croit pas, mais que votre coeur pense avoir la bonne personne en face de vous, suivez-là sans vous retourner ! »

Alexis, Déc 2016

PS: pour ceux qui n’en dormiraient pas de la nuit, si il y a un « n1 » dans le titre c’est parce que je tease un n2 étant donné que cet article n’est pas tout à fait celui que je voulais écrire à l’origine, ça devait parler de la solitude, mais que je le garde quand même vu que je l’aurai sans doute prévu d’écrire plus tard, faut pas gâcher.